LA PRESSE SÉNÉGALAISE, UN SECTEUR À ASSAINIR
« La presse est le miroir de
la société, mais il peut aussi être son manipulateur. »
Gabriel Garcia Marquez, écrivain et journaliste colombien,
prix Nobel de littérature (1982).
Le
rôle des médias dans l’éducation des citoyens et la consolidation de la
démocratie n’est plus à démontrer dans notre pays. Depuis la fin des années 90,
début 2000, la presse n’a jamais cessé de jouer un rôle important dans l’éveil
de la conscience citoyenne par l’information, la sensibilisation et la promotion
de la liberté d’expression.
La presse,
considérée comme le quatrième pouvoir non encore institutionalisé (« La presse est le
quatrième pouvoir en démocratie. » selon Albert Einstein),
est au centre de la vie politique, économique et sociale. C’est un puissant
levier de développement si elle est bien orientée vers les objectifs
d’éducation, de formation et de développement que le Sénégal s’est fixés. C’est
la raison pour laquelle, les médias ne doivent pas être censurés. Mais au
regard de l’évolution des choses, ils doivent être assainis pour en faire un meilleur
usage au service de la liberté, de la démocratie, de l’éducation et du
développement. Et pour cela, il faut revoir la formation des acteurs de la
presse et les programmes que les différents médias proposent aux Sénégalais,
surtout dans les Télés et les Radios.
La
triste réalité, c’est que les médias de notre pays produisent ce que les
Sénégalais consomment et les Sénégalais consomment ce que produisent les médias
sénégalais. Autrement dit, les médias ne font que livrer à la population
sénégalaise sa commande en matière de consommation médiatique comme un
restaurant livre à son client le plat qu’il a commandé.
En
vérité, les véritables acteurs de la presse doivent tenir leurs assises pour
assainir leur environnement (Lancées en aout 2023 à Dakar, les assises des
médias sénégalais ont tenté d’identifier les principaux problèmes de la presse
locale). Le monde des médias est infesté aujourd’hui d’acteurs qui ne sont pas
forcément des journalistes et par conséquent pas forcément des professionnels
dans ce qu’ils font. Ces derniers ne se soucient pas toujours des règles
d’éthique et de déontologie du métier. En plus, il y a un réel problème de
neutralité axiologique chez beaucoup de journalistes qui ne se limitent plus à
faire passer l’information mais à la commenter ; les faits étant sacrés, le
commentaire est libre.
L’autre
lancinante question est celle de l’aide à la presse. Cet argent sert -il à
améliorer les conditions de travail des journalistes ou à satisfaire les
besoins personnels des patrons de presse ? Il faut que le peuple soit
édifié sur ce soutien aux médias parce que c’est l’argent du contribuable
sénégalais. Les journalistes eux-mêmes doivent exiger la lumière dans la
gestion de cette enveloppe financière dont leurs patrons bénéficient chaque
année.
Dans
le monde des médias, il y a une certaine précarité de l’emploi et une certaine
misère économique et financière qui n’aident pas toujours certains acteurs de
la presse à garder leur dignité et leur intégrité morale et religieuse face à
la corruption et aux multiples pressions de lobbies qui veulent contrôler et
orienter l’État et l’opinion publique nationale.
Le
métier de journaliste est dévoyé aujourd’hui. Tout le monde peut être
journaliste même si tout le monde n’a pas été formé pour l’être. La vocation a
tendance à disparaître, laissant la place à la quête de la célébrité, à la
recherche effrénée du buzz et du sensationnel, dans un pays où on ne fait plus
la différence entre l’espace public et l’espace privé, l’information utile et profitable
aux Sénégalais et les problèmes privés de la vie conjugale.
Cette
attention portée sur le sensationnel a fait naître au Sénégal une caste d’influenceurs
qui trônent dans les réseaux sociaux et exercent une puissance d’influence par
leur discours, leurs comportements et leurs illusions. Cela force à croire que
la jeunesse est en proie à une forme de socialisation où domine le pouvoir de
l’argent et du luxe, et la recherche du buzz qui constitue le fonds de commerce
pour beaucoup d’organes de presse, surtout celles en ligne.
La
quête du buzz est un obstacle à la vérification de l’information. Elle est
aussi un frein à la culture générale qui doit être l’arme dont tout journaliste
doit se munir pour mieux exercer sa profession. La vérité, c’est qu’un
journaliste doit être cultivé. Il doit être aussi un chercheur rigoureux dans
la quête et la vérification de l’information et un lecteur averti qui
s’intéresse à tout ce qui se passe dans son pays et au-delà des frontières.
Dès
lors, les services compétents de l’État et les instances journalistiques habilitées
à contrôler la presse doivent prendre des mesures fermes contre les insultes,
les écarts de langage, les attaques crypto-personnelles, la stigmatisation
ethnique, culturelle et religieuse, les préjugés qui menacent la cohésion
nationale et la stabilité sociale et politique du Sénégal.
La
presse doit certes rester libre, mais elle doit être aussi responsable, car
elle participe activement à l’éveil du peuple et la formation d’une conscience
citoyenne, garante d’un engagement citoyen au service de la nation. Car avec cette liberté vient également la
responsabilité. La presse joue un rôle crucial dans l'éducation politique des
citoyens, dans la formation de leur conscience civique et dans l'encouragement
de leur participation active à la vie démocratique.
En tant que gardienne de la
démocratie, la presse a la responsabilité de rapporter les faits avec
précision, d'analyser les questions complexes de manière impartiale et d'offrir
une tribune équitable pour les différents points de vue. Elle doit également
être vigilante contre la diffusion de fausses informations, de discours de
haine et de désinformation, qui peuvent compromettre la cohésion sociale et
miner la confiance du public en les institutions démocratiques. C’est
pourquoi, l’État ne doit pas aussi regarder faire…Des réglementations
appropriées peuvent être mises en place pour la presse, tout en préservant sa
liberté éditoriale. Cela pourrait inclure des codes de conduite
professionnelle, des organes de régulation indépendants et des mécanismes de
sanction pour les infractions graves.
En
outre, il est indéniable que la presse a joué un rôle significatif dans les
trois Alternances démocratiques au Sénégal. C'est pourquoi elle doit être
soutenue et guidée pour continuer à être le « gardien de la démocratie »,
comme le soutient Noam Chomsky. Toutefois, il est essentiel qu'elle soit
d'abord assainie pour retrouver sa place et son intégrité d’antan.
Ngor Dieng
Psychologue conseiller
ngordieng@gmail.com
El Hadji Farba Diop
Géographe
diopelhadjifarba@gmail.com
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