BALLON D’OR MONDIAL, QUAND TU NOUS TIENS !





« L’émotion est nègre comme la raison est hellène »

Léopold Sédar Senghor


J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les débats autour de l’attribution du Ballon d’Or France Football avant, pendant et après l’octroi de ce dernier au prodige argentin Lionel Messi pour la sixième fois. Je me désole même de la tournure que les sénégalais, pardon certains sénégalais, ont donné à cet évènement footballistique auquel le nom de Sadio Mané a été lié.
J’aime bien Sadio Mané, plus pour son sens de l’humain que pour ses performances sportives. On ne peut pas ne pas aimer Sadio Mané quand on aime le genre humain et le football. Il aurait même pu gagner ce Ballon d’Or. Peu importe. Ce qui est important, c’est que Messi aussi le mérite largement et que Sadio Mané a quelques faiblesses handicapantes. Et il faut avoir le courage de le dire. Il est performant mais il n’est pas influent. Il manque de leadership aussi bien en club qu’en équipe nationale. C’est ce qui explique qu’il ne tire pas les pénaltys et les balles arrêtées en équipe nationale et avec Liverpool.
Certes Sadio a été co-meilleur buteur du championnat d’Angleterre (notez bien co-meilleur buteur) mais il n’a pas été désigné meilleur joueur du championnat d’Angleterre en 2019. Les Algériens avaient-ils réclamé autant que les Sénégalais que le Ballon d’Or soit attribué à Mahrez quand il fut élu meilleur joueur du championnat anglais à l’époque ?
Sadio Mané a été vainqueur de la league des champions en 2019. A-t- il été désigné meilleur joueur de cette compétition majeure ? Et last but not least, il a été finaliste malheureux de la dernière CAN mais n’a pas pu éclore son talent à la hauteur de ses réelles performances. D’ailleurs les titres de meilleur joueur et de meilleur buteur de cette compétition l’ont encore échappés dans une compétition où il a raté deux penaltys.
Nous aimons tous Sadio Mané et rêvons de ce ballon d’or. Il a fait des progrès et continue de faire des progrès par un travail sérieux et une hygiène de vie rigoureuse. Mais soyons objectifs et quittons le registre de l’émotion qui accompagne la victimisation. Sadio Mané n’a pas échoué à ce titre parce qu’il a la peau noire et/ou est africain ; sinon Georges Weah ne l’aurait pas remporté en 1995. Mané a-t-il été plus exceptionnel que Drogba et Samuel Eto’o en leur temps? Ces derniers ont-ils remporté le Ballon d’Or mondial. Et Thierry Henry ? Et Xavi ? Et Iniesta ? N’ont-ils pas passés à côté de la plaque alors qu’ils étaient au sommet de leur art ? L’immortel Maradona a-t-il été Ballon d’Or ? D’ailleurs que vaut le Ballon d’Or face à la joie de vivre et l’art de jouer au football ? L’immense talent de Ronaldinho n’a été récompensé par ce trophée qu’une seule fois et tout le monde se souviendra du talent fou du nigérian Jay-Jay Okocha.
Les Sénégalais en particulier et les africains en général doivent cesser de toujours tirer sur l’autre. La couleur de notre peau est un problème parce que nous sommes nous-mêmes un problème. Ce n’est pas la FIFA ou France Football qui étaient à l’origine des incidents qui ont émaillés le match retour de la league africaine des champions entre le Zamalec et Génératon Foot. Ce n’est pas l’Occident qui devait construire des infrastructures dignes du statut du football sénégalais et qui ne l’a pas fait. Les primes qu’on ne paie pas en temps ou qu’on ne paie pas du tout ne sont pas de la responsabilité des Blancs (par opposition au noirs pour faire allusion à la couleur). Les incidents ayant conduit au drame du stade Demba Diop sont-ils l’œuvre des dirigeants du football mondial ou de notre football local ? L’octroi du ballon d’or est-il exclusivement une affaire de couleur, de lobbying ou de performance ?
Le football mondial n’est pas la politique à la sénégalaise. Et les réseaux sociaux ne font pas gagner une élection, ni présidentielle ni du Ballon d’Or mondial ? Mbappé, le deuxième plus jeune vainqueur de la coupe de monde après Pelé, n’est toujours pas encore Ballon d’Or. Où est donc passée sa médaille d’or de la coupe du monde 2018 ?
A la veille de la demi-finale du Sénégal contre la Tunisie à la dernière CAN, Alain Giresse, coach des Aigles de Carthage disait, dans le cadre de la bataille psychologique d’avant match, que les Sénégalais ont une haute idée de leur football alors qu’ils n’ont encore rien gagné. Même si au finish, c’est le Sénégal qui s’était qualifié en finale, il faut reconnaitre que le technicien français avait raison ? Depuis que je suis le football sénégalais, en particulier depuis le début des années 2000, nous n’avons jamais participé à une CAN où nous ne nous sommes pas données favori nous-mêmes pour le sacre final. Et au final, nous récoltons toujours la déception.
Nous n’acceptons jamais de faire objectivement les bilans de nos campagnes sportives et il n’y jamais presque eu de fautifs et de sanctions. On est assez fou à poursuivre le même rêve non réalisé pendant des générations et des générations sans nous réveiller pour changer de démarches et de tactiques afin d’être champion d’Afrique.
Parallèlement, le prix Nobel de littérature a échappé à de grands écrivains : Senghor, Césaire, Bernard Dadié, tous morts aujourd’hui, et jusque-là le Kenyan Ngugi wa Thiong’o encore vivant. Cela fait-il de ces grands noms de seconds couteaux de la littérature mondiale ? Je crois que non. Ces derniers n’écrivaient pas, je crois, pour avoir le Nobel de littérature mais pour s’exprimer et pour défendre une cause.
Malheureusement aujourd’hui nous sommes à l’ère des titres et ces derniers ne prennent pas toujours en compte la valeur humaine intrinsèque. Tout le monde presque court derrière les titres y compris nos « hommes d’esprit ». On les achète même parfois !
Lecteur, ne penses pas j’ai abandonné le débat du ballon d’or. Loin s’en faut, je suis au cœur de ce trophée, c’est-à-dire des préalables pour le gagner.
Courage Sadio Mané : le lycée déjà construit dans ton village et l’hôpital en construction sont un Ballon d’Or pour cette population sénégalaise qui croule encore dans la pauvreté à une période de la hausse des prix des besoins de première nécessité comme l’électricité, l’éducation et la santé. Ce sont là les véritables sujets d’euphorie et de DÉBAT DE L’HEURE au Sénégal.


Ngor DIENG
Psychologue conseiller
Doctorant en philosophie à l’UCAD de Dakar
ngordieng@gmail.com


Commentaires

  1. Chaque joueur a ses faiblesses. Messi était à la copa américa mais il n'a pas fait grand chose la bas. Mais ça n'efface rien de son mérite.
    Sadio a atteint un niveau professionnel qu'aucun joueur sénégalais n'a jamais atteint dans l'histoire de notre foot Ball.
    Messi est certe meilleur, mais pour cette saison Sadio a été plus performant que lui.
    Moi personnellement j'ai jamais cru que le ballon d'or serait attribué à Sadio, pas parce qu'il ne le mérite pas, mais parce que je doute du caractère sérieux de ces distinctions.

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    1. J'ai écrit ce texte pour plus dire aux africains d'arrêter de se victimiser que pour dire que Sadio Mané a des défauts...

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