A QUOI NOUS SERT L’HISTOIRE ?
En ouvrant les colonnes de Sud quotidien du vendredi 23 septembre 2016, je suis tombé à la
page 6, dans la Rubrique ‘’SOCIETE’’ sur ce titre qui m’a
aussitôt fait encore réfléchir :
« Commémoration
de l’an 14 du JOOLA LE 26 septembre
Ziguinchor,
dans la plus grande indifférence »
En réalité, ce n’est pas seulement Ziguinchor
bien qu’elle fut la région la plus touchée par ce drame national. Mais c’est
tout le Sénégal qui semble ranger aux oubliettes près de 2000 victimes parties
en une seule nuit à cause, en particulier, de notre laxisme et de notre
négligence.
Dans un
texte intitulé « Négligence et
oubli de l’histoire », j’avais écrit que : « Le peuple sénégalais oublie très vite, il a une
mémoire très courte qui ne se soucie ni de l’avenir pour prévenir ni du passé
pour tirer les leçons de l’histoire. Conséquences : les mêmes drames se
répètent toujours avec leurs mêmes lots de victimes et de désolation. Le
philosophe allemand Hegel avait raison d’écrire que : « [...] ce qu’enseignent l’expérience et l’histoire
c’est que peuples et gouvernants n’ont jamais rien appris de l’histoire, et
n’ont jamais agi suivant des maximes qu’on en aurait pu retirer. »[1]
Le naufrage du bateau le Joola, qui fut une catastrophe
nationale et, au-delà la plus grande tragédie maritime de l’Histoire de l’humanité, devait être le début de l’an Un d’une prise de conscience collective
des Sénégalais en vue d’un élan vers le
changement radical de comportement et de mentalité, seule voie vers l’émergence
tant chantée par nos autorités.
Si la victoire endort un
peuple et que la défaite en réveille un autre, le naufrage du Joola devrait
être à l’origine, et de manière irréversible, d’un nouveau jour, précédé d’une
nuit terrible certes, mais annonciateur de lendemains meilleurs nourris du sein
de l’espoir.
Le Rwanda n’est pas loin de nous. C’est un pays qui a
vécu les affres du génocide en 1994. Plus de 20 ans après, il se positionne
comme l’un des pays les mieux gérés de la Planète pour ne pas dire l’un des
pays émergents. Ce peuple meurtri par une tuerie fratricide, a su tirer les
leçons de l’Histoire pour s’inscrire dans la trajectoire du développement.
J’aime toujours à rappeler que le développement, c’est avant tout une affaire
de mentalité.
Cette indifférence du peuple Sénégalais vis-à-vis d’une
catastrophe que nous avions tous ressentis au plus profond de nous-mêmes me
conforte dans ma thèse selon laquelle, nous avons un problème avec notre passé,
c’est-à-dire notre histoire et un rapport difficile avec notre identité :
Qui sommes-nous ? ou que sommes-nous devenus ?
Le comportement des Sénégalais sur la route est le
meilleur baromètre qu’ils se foutent de la mémoire de près de 2000 victimes du
Joola dont la majeure partie est toujours engloutie dans l’océan. La détresse
de leurs familles n’a pas pu attirer pendant longtemps l’attention des
Sénégalais. Et pourtant cette souffrance demeure encore vivace et ses séquelles
toujours visibles. Des espoirs ont été déçus, des attentes restèrent vaines et
des rêves se brisèrent, laissant la place à la tristesse et à la sollicitude de
personnes ayant perdu une bonne partie de leur famille.
Notre introspection fut éphémère ! Sachez le
naturel, il revient au galop. Gouvernants et gouvernants continuent à se voiler
la face. Tout le monde réclame le changement et personne ne veut changer.
Chacun rêve du développement et personne n’ose faire le premier pas. Et depuis
2000, le ciel couvre notre pays de nuages occasionnant les pluies de « Sénégal qui gagne » et de « Plan Sénégal Emergent ». Notre
terre est arrosée de slogans creux. Et nous sommes heureux ! Nous sommes
contents ! Parce que nous oublions vite ! Nous sommes heureux parce
que nous vivons un éternel présent ! Et que le passé, le présent et le
futur n’ont pas de sens pour nous !
Ngor DIENG
Psychologue conseiller/Philosophe
ngordieng@gmail.com
[1]
Cf. Du destin d’un peuple :
Réflexions sur le Sénégal et l’Afrique, L’Harmattan, Paris, 2014, p.
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