DISCOURS DU PARRAIN
Je
voudrais m’exprimer à la hauteur du sens de cet évènement qui nous réunit ce
matin. Je pense aussi pouvoir profiter de l’occasion qui m’est offerte, à
travers ce parrainage, que je considère
comme une grande marque d’estime à l’égard de ma modeste personne, pour
revenir sur un certain nombre de mes préoccupations morale et intellectuelle et
livrer quelques-unes de mes intimes convictions.
Mais
auparavant, je voudrais magnifier cet acte posé par la Librairie Payot et la
Direction du Livre et de la Lecture, qui est d’une haute portée symbolique.
C’est une façon d’encourager la jeunesse de Ndondol à se former et à se
cultiver par le savoir, qui a été toujours incontournable dans la marche des
sociétés humaines.
Vous
comprendrez aisément aussi, l’émotion avec laquelle je m’exprime, devant cette
auguste assemblée. Elle se justifie par l’honneur que le centre UNESCO de
Ndondol, et par-delà toute la population de Ndondol, m’a fait en me choisissant
comme parrain de cette cérémonie de remise de don de livres offerts par la
Librairie Payot et La Direction du Livre et de la Lecture à la Bibliothèque dudit
centre. J’en suis d’autant plus content qu’il s’agit d’un honneur que ma terre
natale, Ndondol, m’a fait dans le domaine du livre et de la lecture qui
m’intéresse particulièrement et pour lequel je fournis, depuis un certain
nombre d’années, des efforts soutenus, constants et désintéressés. Et je peux
dire, sans risque de me tromper, pour citer Cheikh Anta Diop que « L'activité
de recherche est conforme à mon tempérament »[1]
A l’ère d’une
civilisation marquée par l’écran, le support électronique et virtuel, à travers
Internet et les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), le livre demeure toujours encore un moyen
non négligeable pour la formation de l’esprit et la transformation sociale.
Dans un contexte dominé par l’argent, le bien matériel, la recherche effrénée
du profit, la promotion du corps et de son cortège de plaisirs, bref dans un
monde en crise de valeurs parce qu’en crise de sens, le culte de l’esprit, à travers le livre et la lecture, demeure un
refuge incontestable pour ceux qui veulent s’inscrire dans la lignée des hommes
de valeurs, de culture et de sagesse.
La lecture permet
d’acquérir un capital culturel, moral et intellectuel qui peut aider à faire face
à certaines difficultés de la vie et à relever certains défis de l’existence. Ne pas lire, c’est ne pas accéder à
l’argument. Or, si on n’a pas d’arguments, on ne peut pas convaincre et
inspirer les autres. C’est dans cette lancée que la romancière sénégalaise Aminata Sow Fall s'exprimait ainsi : « Au Sénégal, il est urgent d’encourager la
lecture, car elle forme les esprits et
modèle les âmes. On me dit toujours que les enfants ne lisent plus, mais même
les professeurs ne lisent plus. Le livre doit être plus accessible »[2].
C’est pourquoi,
j’invite la jeunesse de Ndondol, en particulier les élèves et étudiants, à
fréquenter les livres, car une
bibliothèque, avant d’être décorative, doit d’abord être utilitaire.
L’homme
est un être de culture et de connaissance. Le savoir est fondamental dans la
vie humaine. Il constitue la sève nourricière de l’esprit. Il est une guidance
pour ses actions. C’est la lumière qui éclaire la vie de l’homme. L’importance
du savoir met en relief la centralité du livre et de la lecture dans une
société où la tradition de l’oralité domine encore. Pour moi, le livre constitue l’un des témoignages les plus remarquables
de notre passage sur terre. Il permet de fixer le savoir et de le transmettre à
travers les générations.
C’est
dans ce sens que feu Amady Aly Dieng
écrivait : « Le livre constitue
une victoire des hommes sur le temps et sur l’espace. Le livre peut être
transmis des anciennes aux nouvelles générations. C’est un combat de gagner sur
le temps destructeur […] En définitive, le livre est un instrument
efficace pour lutter contre la mort. Les écrivains continuaient à vivre parmi
les vivants »[3].
Seulement,
avant de mourir, le doyen Amady Aly
Dieng nous mettait en garde contre le désintéressement de notre peuple
vis-à-vis du savoir, du livre et de la lecture au profit des activités festives.
Je le cite encore : « Les
livres sont aujourd’hui lacérés, déchirés, passés à la lame de rasoir ou volés.
Les criminels culturels se multiplient sans qu’on puisse les aligner devant des
poteaux d’exécution »[4].
La
passion est un mobile d’action et un pont qui mène vers la grandeur. Pour le
philosophe allemand Hegel, « Rien de grand ne s’est effectué dans ce
monde sans passion »[5]. C’est avec cette passion
que je me suis engagé dans la quête du savoir. Dès lors, j’ai su que les trajectoires humaines se dessinent à
partir des choix et des orientations de vie, autrement dit des valeurs
auxquelles on aspire. J’ai appris en même temps que le sens de la vie réside en partie dans le service à la communauté.
J’ai su aussi que dans la vie, rien ne s’obtient
sur un plateau d’or, qu’il faut toujours se battre pour être, pour savoir et
pour avoir, dans le courage et la dignité.
Jeune
étudiant, j’ai très tôt compris que la
quête de la connaissance n’est pas une course de vitesse mais un marathon. Elle s’inscrit dans la durée et demande de
l’endurance et de la patience. La conquête du savoir s’accompagne de beaucoup
de sacrifices et de multiples privations. La lecture demeure une activité qui
ne peut se réaliser que dans la solitude et dans la souffrance. Or, nous sommes
dans une société qui a la culture du palabre et de la facilité.
La voie de la
connaissance rime aussi avec la voie de l’excellence. Et l’excellence nous élève vers les hauteurs. Elle nous place au sommet de
la pyramide. Et à l’instar du général de
Gaule, je dirai « J'aime les hauteurs. C'est moins encombré »[6].
C’est la raison pour laquelle je suis parfaitement en phase avec le professeur Alioune Diané quand il écrit :
« L’excellence se conquiert par
l’effort permanent, la solitude, les contraintes, les privations et surtout par
la lutte contre cet extérieur agressif dont nous parle Cheikh Hamidou Kane ».[7]
Seulement,
il me faut rappeler, si rappel m’est permis, que dans un contexte où notre
système éducatif connaît des crises sans précèdent, qui se manifestent par une
baisse généralisée du niveau des apprenants et aussi de certains enseignants, l’école doit être replacée au cœur de ses
missions d’éducation, d’instruction et de formation de citoyens dignes, intègres
et compétents, pouvant constituer le levier du développement à l’heure du PSE
(Plan Sénégal Émergeant) qui fait du capital humain l’une de ses priorités. Et
pour cela, j’ai la même conviction que le professeur Buuba Diop qui, lors de la cérémonie officielle de clôture de la
Journée internationale des Enseignants, dont il était l’un des parrains,
célébrée le 27 décembre 2016 au
Théâtre national Daniel Sorano disait : « L’éducation, la recherche et la culture sont au début, avant le début,
elles sont à la fin, après la fin ».
Je
crois fondamentalement à l’éducation et à la formation. Je suis un pur produit
de l’école publique sénégalaise, et je m’en glorifie. Je suis un grand partisan
de l’école, un grand défenseur de l’éducation et de la formation, parce que je
suis persuadé, comme Nelson Mandela que
« L’éducation est le grand moteur du
développement personnel. C’est par l’éducation qu’une fille de paysans devient
médecin, que le fils d’un mineur peut devenir directeur de la mine, qu’un
enfant d’ouvrier agricole peut devenir président d’une grande nation. C’est ce
que nous faisons avec ce que nous avons et non ce qu’on nous donne qui fait la
différence entre les gens. »[8]
C’est
dire aussi que l’éducation est l’un des domaines les plus démocratiques. Tout
le monde étant intelligent, il suffit juste d’avoir, à côté de la chance, beaucoup
de volonté et de détermination, pour réussir à l’école. Tout est possible,
réalisable tant que nous avons confiance en nous-mêmes et acceptons d’être
généreux dans l’effort. Tous les modèles
de réussite sont des exemples de volonté, de détermination, de persévérance, de
courage, d’enthousiasme et de constance dans l’effort. J’ai l’habitude de
dire que ma volonté constitue mon
intelligence. Vouloir n’est-il pas pouvoir ?
Mesdames
et messieurs, arrivé aux termes de
cette réflexion, je pense à tous ceux qui m’ont apporté leur soutien durant mes
longues années d’études. Je pense particulièrement à ma famille, à la tête de
laquelle se trouvent mes père et mère. Ma
mère est ma source d’inspiration et mon père ma source d’action. Mention
spéciale à mon père ici présent, un militant infatigable et incontestable de
l’école. Pour ceux qui le connaissent bien, m’honorer en faisant de moi le
parrain de cette manifestation intellectuelle, c’est lui rendre un vibrant
hommage.
Je pense aussi à tous mes enseignants, de l’école primaire à
l’Université, qui se sont investis, avec beaucoup de rigueur et de conscience
professionnelle, pour faire de moi la personne que je suis devenu aujourd’hui.
Quels que soient mon niveau d’étude et mes diplômes, ils resteront toujours mes
maîtres, car comme le disait Alioune Badara Bèye, Président de l'Association des Écrivains du
Sénégal : « Au Sénégal on ne tue pas les maîtres, on les
vénère »[9].
Merci du fond du
cœur à toute la population de Ndondol, à tous ces cadres et à toutes ces autorités
d’avoir rehaussé de leur présence cette cérémonie.
Merci à la
librairie Payot et la Direction du Livre et de la Lecture d’avoir bien voulu
semer ces livres dans la terre de Ndondol pour nous permettre d’espérer
récolter de bels esprits, féconds et créatifs dans le futur.
Merci à tous mes
amis et partenaires qui m’ont apporté leur soutien et qui se sont mobilisés pour
assister à cette cérémonie dont je suis le parrain.
Je voudrais
remercier très sincèrement le Centre
UNESCO de Ndondol, en particulier les membres du comité de pilotage de la
mise en place de la Bibliothèque Mono Ndiar Sène[10] de Ndondol, qui ont eu
l’idée de me parrainer cette fête de livre et de la lecture, qui a l’allure d’un
hommage que l’on rend à ma modeste personne, de mon vivant « pour mon amour des Lettres » (cf.
Lettre de parrainage datée du 28 janvier 2018)
Je voudrais dire
enfin : « LUX MEA LEX »[11] non pas que
« La Lumière est ma
loi » mais « QUE JE SOIS LUMIÈRE ! »
Mesdames et
messieurs, chers invités, merci de votre aimable attention !
Ngor DIENG
Psychologue conseiller/Philosophe
ngordieng@gmail.com
[1] Jeune
Afrique – N°1155
- 23 Février 1983, p.36.
[2] Ces propos sont tenus par
l’écrivaine dans le cadre d’une rencontre littéraire organisée le jeudi 12
octobre 2017 par l’Alliance Française de Kaolack (AFK), en vue de la promotion
de son dernier roman L’empire du mensonge, publié en 2017.
[3] Amady Aly Dieng,
« Don de ma bibliothèque personnelle à l’Université Cheikh Anta DIOP de
Dakar », CODESRIA, Bulletin n°1 & 2, 2007, p.42
[4] Idem, p.43
[5] HEGEL : Leçon sur la philosophie de l’histoire,
Paris, Vrin, Traduction Gibelin, 1963.
[6] Cité par le professeur Alioune
Diané dans son discours sur l’Excellence en 2007.
[7] Discours prononcé lors de la
cérémonie dédiée à l’Excellence au Théâtre national Daniel Sorano à l’occasion
du cinquantenaire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en 2007, in Inter
Face n°6, Journal bimestriel
de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar/ Avril-Mai 2008, p.23.
[8] Nelson Mandela : Un
long chemin vers la liberté, Fayard, 1995 pour la traduction française,
p.178.
[9] C’était à l’occasion du 8ème
Symposium Littéraire International célébré par l’AES à Keur Birago bu bess du 7 au 9 novembre 2006.
[10] Nom du fondateur du village de
Ndondol.
[11] Devise de l’Université Cheikh
Anta Diop de Dakar.
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