ERE OU DESERT DE LA LIBERTE
Notre époque est une ère du culte total de
la liberté. Nous assistons à l’intronisation non de la raison comme au siècle
des Lumières mais à celle de la liberté : une liberté presque sans limite,
c’est-à-dire une liberté sans responsabilité. L’Humanité aspire à la liberté.
Les hommes veulent humer l’air de la liberté et cela, jusqu’au libertinage.
Pourtant, la liberté doit avoir comme
garde-fou la responsabilité. Une liberté sans responsabilité n’en est pas une.
Les philosophes ont investi très tôt le champ de la liberté mais couplé à celui
de la responsabilité. Être libre, c’est aussi être responsable. Être libre,
c’est être réfléchi, ce n’est pas être esclave de ses désirs, de ses passions,
voire de ses penchants vers l’animalité. Respirer l’air de la liberté. Écouter l’air
de la liberté.
Être libre de tout engagement. Être libre
de tout devoir. Être libre de toute obligation. Avoir tout à notre disposition.
Ne pas trop se fatiguer au travail. Gagner sa vie sans suer. Réussir sa vie
sans effort. Voyager comme on le rêve. Jouer comme un enfant. Se faire des
caprices comme la femme. Commander comme un chef. Être libre comme une goutte
d’eau. Les penchants de la liberté sont à l’origine des maux de notre société.
Il n’y a pas de liberté totale sans
orgueil, intolérance et inacceptation et rejet de l’autre. Forcément, être
libre c’est s’affirmer au détriment des autres. C’est nier leur être, leurs
valeurs et leurs croyances. C’est vouloir mériter soi-même la liberté,
l’expression libre et réfléchie des différentes facettes de l’existence humaine :
la culture, l’art, la religion, la science, la philosophie, le sport…
Nous vivons à une époque où la liberté est
artificielle. C’est une liberté d’apparence. Un semblant de liberté. Ce n’est
pas une véritable liberté au sens de libération. C’est une liberté montée de
toutes pièces et articulée autour de la recherche du plaisir aussi coupable
soit-il. A l’ère des Technologies de l’Information et de la Communication, la
liberté porte de nouveaux habits et emprunte de nouveaux chemins qui mènent à
la crise des valeurs, aux conflits mondiaux et aux maladies incurables.
La liberté d’expression fait rage dans un
monde de différences et de divergences, dans un contexte de choc des cultures
et de cohabitation difficile des religions. Le racisme, l’intolérance, la
xénophobie sont autant de manifestations de la liberté, de l’envie d’être seul
et seulement avec soi-même.
La provocation constitue de nos jours une
arme de la liberté d’expression. Les guirlandes de la liberté lui ôtent son
sens et sa signification. La liberté d’aujourd’hui n’est plus liberté mais
plutôt obscurantisme religieux, folie meurtrière à travers le terrorisme et le
banditisme des jeunes et des États. Nous avons quitté depuis longtemps les
abondantes prairies de la liberté pour nous fourvoyer dans l’infini désert de
l’esclavage et de la servitude du plaisir.
Les élans mal placés de certains États (surtout
ceux du Nord) accrochés au culte de la liberté ont plongé le monde dans une
obscurité et une déchéance destructrices. L’avenir de l’Humanité n’est pas dans
cette liberté aveugle. Il réside plutôt dans un retour aux fondamentaux de la
liberté qui placent l’homme en tant qu’être de valeurs au cœur même de la
responsabilité. L’homme est responsable de lui-même et de tous les autres. Sa
liberté doit être celle des autres. Et pour cela, elle doit faire ce que lui dicte
sa raison, c’est-à-dire faire ce qui est raisonnable, ce qui est acceptable.
La nouvelle tournure de la liberté de
notre époque oublie la dimension immatérielle de l’homme. Elle se tourne
exclusivement vers les sens, vers le corps et son cortège de plaisirs. C’est la
recherche de nouvelles sensations fortes, l’expression de nouvelles parties du
corps humain, le dévoilement de nouvelles forêts de plaisirs sans science et
sans conscience.
La liberté est toujours inhérente à la
nature humaine. C’est une facette de la raison et pas toute la raison comme la
responsabilité en est une autre facette. La liberté demande l’équilibre entre
les différentes facettes de la conscience. Il ne faut pas considérer une oasis
de liberté dans un désert de servitude ou une montagne de dépendance.
La liberté se conquiert sans cesse. Elle
s’arrache à l’issue d’âpres combats contre soi-même et parfois contre les
autres. Elle pointe à l’horizon et recule plus qu’on avance. Elle est fugitive
et presque inexistante parce qu’inatteignable. Elle s’exprime à travers notre
inspiration et notre créativité qui ne se déploient qu’en fonction
d’elles-mêmes.
Les peuples les plus aspirants à la
liberté sont ceux les plus développés mais pas forcément ceux chez qui on
trouve plus de valeurs morales, religieuses et spirituelles. La liberté se
heurte souvent à la morale et à la religion. Elle ressemble à un feu de brousse
qui mange tout ce qu’il y a autour de lui, et qui ravage tout ce qu’il y a sur
son chemin.
Il faut donc à notre monde des
sapeurs-pompiers de la conscience, de la responsabilité, de la lumière pour
pouvoir faire face au feu de brousse de la liberté et l’éteindre afin qu’il ne
puisse pas ravager ce qui reste à notre
village planétaire de ressources morales, religieuses, sociales et
culturelles.
Ngor DIENG
Psychologue conseiller/Philosophe
ngordieng@gmail.com
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