LA CRISE SCOLAIRE : DIAGNOSTIC D’UN MALAISE PROFOND

 


"Le malheur des pays pauvres, c’est qu’ils ne sont pas en mesure de prendre en charge le bon fonctionnement des secteurs clés du développement : l’éducation, la santé, l’agriculture etc. Le Sénégal ne fait pas exception. Si ce n’est le régime de Senghor, tous les autres gouvernements qui se sont succédés à la tête du Sénégal n’ont pas accordé une grande importance à l’éducation nationale. Or on ne peut développer notre pays qu’en instaurant un système éducatif solide et stable, avec des ressources humaines de qualité.
Au Sénégal, le système éducatif connaît des crises récurrentes. Depuis des décennies, les grèves répétitives ont fini par discréditer notre éducation nationale. Les responsabilités restent partagées entre acteurs de l’école : élèves, enseignants, syndicats et État.
Mais il s’agit ici de mettre l’accent sur la responsabilité de l’État. L’injustice qu’il y a dans le traitement des fonctionnaires de l’État est le nœud gordien de la grève de cette année entre autres motifs. On ne peut pas être de la même hiérarchie avec le même niveau d’études et les mêmes diplômes et être traité de manière inégale. (...)
Dans tous les pays qui se respectent, les enseignants sont bien traités. Ils sont bien payés et bénéficient d’une estime de la part de la société. Il n’y a pas un métier plus noble que celui de former des âmes encore innocentes et malléables. (...)
C’est vrai qu’enseigner n’a pas de prix. Mais il doit avoir un coût. Et le coût doit être des conditions de vie acceptables, un niveau de vie sociale et intellectuelle digne d’un soldat de l’esprit. « L’éveilleur de consciences » doit être mis dans de bonnes conditions de travail et bénéficier non seulement de l’estime de ses élèves mais aussi de toute la société.(...)
Les enseignants méritent toutes les faveurs et tous les honneurs. Ils forment les citoyens et futurs cadres de la nation. Ils se donnent corps et âmes même s’ils n’ont pas toutes les conditions réunies. Ils font un investissement humain qu’aucun autre corps de métier n’exerce au monde. Dans les pays sous-développés comme le nôtre, ils font des sacrifices énormes.(...)
De nos jours, la grève semble être l’unique arme dont se servent les enseignants pour se faire entendre. En face, se trouve un gouvernement qui use et abuse de la sourde oreille pour minimiser les revendications des enseignants et les pousser à la radicalisation, avant maintenant de les appeler à la table de négociation. (...) 
Dans notre pays, le système éducatif est gravement malade et vit une agonie longue et interminable. Chaque année, il est sauvé de justesse par des médecins qui, paradoxalement, sont peu soucieux de leur responsabilité de suivre rigoureusement et de près ce malade condamné à lutter désormais contre la mort au service d’urgence de l’hôpital de la Cité.

Ngor DIENG, contribution du 5 mai 2015 "




Ngor DIENG
Philosophe/Psychologue conseiller
ngordieng@gmail.com


[1] Mamadou Sy Albert : Sur les chemins de l’école, Presses Universitaires de Dakar (Ucad), Août 2014, p. 99.
[2] Ngor Dieng : Du destin d’un peuple – Réflexions sur le Sénégal et l’Afrique, l’Harmattan, Paris, 2014, p. 66.
[3] Sur les chemins de l’école, p. 98
[4] Sur les chemins de l’école, p. 123
[5] Du destin d’un peuple,  p. 67

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