PRÉSENTATION DE « SAVANA : LA PRINCESSE DE LA SAVANE » DE MAME DIARRA BOUSSO NGOM

 


            

                                Mesdames et messieurs, chers invités,

C’est la deuxième fois, en moins de deux mois, que l’occasion m’a été offerte, de présenter un livre en de pareilles circonstances et devant un pareil public. Je dois à la vérité de dire que je viens de « découvrir » physiquement l’auteure de Savana : la princesse de la savane, comme certains d’entre vous d’ailleurs. Mais j’ai déjà eu un long et fructueux tête-à-tête avec elle, à travers son livre dont l’honneur m’a été fait de le présenter cet après-midi, dans cette mythique salle Amady Aly Dieng, devant cette belle assemblée. Ainsi, je peux dire, sans risque de me tromper, que j’en sais déjà quelque chose, sur la personne, ou si vous voulez bien, sur la personnalité de l’auteure au sens psychologique du terme personnalité ; l’œuvre étant très souvent, intimement et profondément liée à la vie de son auteur.

C’est pourquoi, je vais d’abord vous faire l’économie de l’histoire que relate ce livre et ensuite en tirer des leçons pour les humains que nous sommes. Étant donné qu’« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. », Mame Diarra Bousso Ngom n’a pas attendu d’avoir 30, 40 ou 50 ans et plus pour nous produire ce roman qui interpelle sérieusement notre façon d’être vis-à-vis de la Nature et envers les autres créatures avec lesquelles nous partageons la planète. Son âme, humaine certes, mais animale et végétale, est assez mature pour s’adresser à nos pauvres personnes qui s’attaquent à la nature, aux animaux et aux arbres.

Mesdames et messieurs

Le cosmos nous offre un spectacle extraordinaire. C’est un univers cosmopolite où cohabitent différents mondes et où règnent différentes créatures. La planète terre abrite l’espèce humaine, l’espèce animale et l’espèce végétale. La cohabitation de ces trois espèces obéit à des lois qui sont définies par le Créateur de l’univers. Le respect et ou l’observation scrupuleuse des lois de la nature est gage d’une vie harmonieuse entre espèces différentes. Malheureusement, l’homme est le seul être capable de transgresser les règles de fonctionnement du cosmos en voulant opposer à la Nature, la culture.

Animal doué de raison, l’homme est en mesure de se penser lui-même et de penser le monde. C’est dans ce sillage qu’il agit sur la nature pour la transformer à sa guise. L’action de l’homme sur la nature est à l’origine de la culture. Et selon Senghor, la culture c’est un moyen pour l’homme d’adaptation à la nature et d’adaptation de la nature à lui.

Mesdames et messieurs,  

Le roman qui nous réunit ce soir est au cœur de cette problématique plus que jamais actuelle : le respect et la préservation de la Nature. L’auteure nous invite à développer ce qu’elle appelle elle-même « une immense passion pour le développement de la nature » (p. 36). Mame Diarra Bousso Ngom est certes encore d’un jeune âge, mais la problématique qu’elle pose dans son roman est une préoccupation prégnante dans les plus hautes sphères de décisions, au niveau des États comme dans les organismes internationaux.  

Auguste assemblée,

Il s’agit plus exactement dans ce roman de l’histoire d’une jeune fille nommée Savana, princesse de la savane, amoureuse de la nature et protectrice de celle-ci contre l’action de l’homme. Gardienne de la savane, le rôle de Savana est de veiller à ce que les humains ne touchent pas à celle-ci. En d’autres termes, l’homme doit certes agir sur la nature pour transformer positivement son environnement, mais pour autant, il ne doit pas transgresser les lois qui régissent le fonctionnement de celle-ci.

Ce récit nous place au cœur de la jungle des animaux sauvages dont la tranquillité est souvent perturbée par les humains. Dans ce roman de Mame Diarra Bousso Ngom, il y a une cohabitation entre les humains, les animaux et les végétaux. C’est pourquoi, on peut passer facilement de la terre à la mer, du ciel à une cascade, d’une roche à une branche d’arbre, etc. La seule frontière qui existe, c’est celle qui sépare la savane à la ville, la savane étant réservée aux animaux sauvages et la ville aux hommes qui souffrent aujourd’hui de la perte progressive de leurs valeurs cardinales et qui étouffent de toute sorte de pollutions.

Dans ce livre qui nous donne l’impression de suivre un film de dessins animés, Savana fut capturé par une famille humaine et ramenée en ville après avoir pourtant sauvé Michael, un garçon perdu dans la savane. Pour cette fille sauvage, non civilisée, qui ne connait que la savane comme refuge et les animaux comme amis et compagnons, vivre en ville est une sorte de sévices, de privations et de punition. Oui, pour notre auteure, la ville est devenue un lieu de moins en moins favorable à l’essor de l’humain et à l’éclosion de notre humanité.

Pour comprendre toute la peine qu’éprouve Savana à vivre en ville, écoutons ce qu’elle disait à la page 17 du livre avant son enlèvement : « Assez ! Je suis une enfant de la savane et je ne laisserai rien ni personne me faire partir de mon habitat. Je n’irai jamais dans cette chose ignoble que vous appelez ville, je ne fréquenterai jamais vos lieux du savoir et je ne toucherai jamais à votre nourriture empoisonnée. La savane est ma maison. J’ai appris beaucoup de choses grâces à elle. Elle m’a nourri, m’a accueilli, m’a protégé, m’a soignée et m’a enseigné les choses utiles de la vie. Alors je ne viendrai jamais vivre dans cet endroit sans vie qu’est la ville, là où l’air est pollué et irrespirable et là où vous, les hommes, vous n’êtes que des êtres sans cœur et sans scrupule. »

Le kidnapping ou l’enlèvement de Savana par des humains fut accueilli dans la consternation et la désolation par les habitants de la savane. Ses frères et sœurs, amis et camarades s’inquiétaient du sort que les humains vont lui réserver en ville, lieu de plus en plus dénaturé au profit d’une modernité qui tue, à petit feu, le sens de l’humain au profit de l’argent et du matériel.

Adoptée par sa famille d’accueil, Savana qui avait plus développé son côté humain que son coté animal eut l’occasion de « découvrir la vraie vie humaine (p. 18) » dans cet « endroit sans vie. (p.19) ». Savana est certes capturée par les humains et ramenée en ville, mais pour autant, ses père et mère ne s’inquiètent guère de son sort parce qu’ils sont persuadés qu’elle leur reviendra tôt ou tard saine et sauve, surtout sa maman guidée par l’instinct maternel. Celle-ci pouvait s’exprimer ainsi, parlant de Savana à Scarfure, le grand frère de la princesse de la savane : « …Elle reviendra, je le sais, je connais ma fille et elle finit toujours par trouver un moyen de s’en sortir. […]. Je suis sa mère, j’ai eu à la nourrir et à l’élever comme telle ; alors je sais et je sens qu’elle nous reviendra bientôt. En attendant, nous n’avons plus qu’à prier. » (p. 20). De tels propos nous rappelle Mariama Ba, auteure du célèbre roman intitulé Une si longue lettre, pour qui, « …une mère sent d’instinct où se trouve le bonheur de son enfant ». (p. 31).

Voilà que par l’entremise de cette famille adoptive, Savana fut inscrite au lycée de la ville qu’elle fréquenta en compagnie de Michael, son frère adoptif venu tôt le matin la réveiller. Savana qui vivait jusque-là dans la savane, ne savait rien de ce qu’était un lycée. À cette occasion, elle fut présentée au directeur de cet établissement par monsieur Marone. Le directeur du lycée s’exclama ainsi devant cette fille élevée par une famille de lions : « Oh, tu es donc la fameuse Savana, l’enfant qui fut élevé dans la campagne par des animaux. » (p. 31).

Et pourtant, tenez-vous bien mesdames et messieurs, le lycée sera le lieu où va se préparer intelligemment l’évasion de Savana qui retrouvera plus tard la savane, ses parents et ses camarades et amis. Et pour cela, Michael, qui fut l’enfant sauvé par Savana, se sentant coupable d’avoir mis celle-ci dans la situation inconfortable où elle se trouve, va organiser soigneusement et méthodiquement, en complicité avec certaines personnes du lycée, l’évasion de la princesse Savana en prétextant une sortie scolaire pédagogique pour montrer aux élèves les beautés naturelles qui existent dans notre beau continent. 

Une fois dans la savane, lors de cette sortie scolaire pédagogique, Savana guida ses camardes et l’administration scolaire vers sa famille pour, dit-elle, permettre à la savane d’accueillir ses hôtes. Et pour cela, elle les ramena d’abord chez son père, roi de la forêt. Grande fut la surprise de ses parents qui ont eu la joie de leur vie en revoyant leur princesse de retour dans la savane, chez elle.

Rassemblés autour d’une fête en l’honneur de Savana qui est de retour, Michael expliqua à ses camarades élèves que la sortie scolaire pédagogique était juste un prétexte pour réaliser son rêve d’aider Savana à retourner dans la savane. Ce plan pour aider Savana à s’évader consistait à présenter, à l’heure du retour, « une fausse Savana en feuille, en brins et en pierres » (p. 81) pour entrer dans le bus à la place de la vraie princesse de la savane. Les élèves rentrèrent ainsi avec la fausse Savana, la vraie Savana étant restée dans la savane avec sa famille.

C’est ainsi que Savana retrouva la brousse et fut intronisée comme princesse de la savane au détriment de son grand frère Scarfure qui était pourtant naturellement le prince héritier. Savana pouvait maintenant, de nouveau, retrouver ses frères et sœurs, amis et camarades de la savane : son père et sa mère, son grand frère Scarfure, son frère jumeau Leonel, sa sœur jumelle Leona, Lanz le petit fennec, Rage du clan des tigres, Tikko l’oiseau qui veillait sur la savane par les airs, Fauve, une fille élevée par des guépards, Griffe, un garçon élevé par des léopards, Cros, un garçon élevé par des jaguars, Darka une fille élevée par des panthers et Lance, une fille élevée par des lynx.

Au-delà de ce récit, qui est loin d’être exhaustif, je voudrai mener une réflexion autour de la thématique générale posée par ce roman. En réalité, Mame Diarra Bousso Ngom, malgré son jeune âge, vient pointer du doigt la conduite cruelle et suicidaire des humains contre la Nature en général et les animaux en particulier. Si l’on en croit l’auteure de Savana : la princesse de la savane, dans le prologue du livre, « Ces derniers tuaient les animaux ou les transformaient en animaux dociles, coupaient les arbres pour les transformer en des choses pour je ne sais quelle utilité, et le pire, ils ne respectaient en rien la nature et passaient leur temps à polluer. C’est pour cette raison que mon but est de protéger coûte que coûte la nature et d’éloigner tous ceux qui essayeront de la détruire ». (p. 7).

Ce puissant message, émis par une adolescente de 17 ans, vient s’adresser à l’humain qui est en train de détruire une planète innocente certes, mais qui commence déjà à réagir aux agressions dont elle fait l’objet. Si cette jeune fille est capable de nous administrer une telle leçon, c’est qu’en elle réside trois âmes : une âme végétale, une âme animale et une âme humaine. C’est cette grandeur d’âme qui manque à la majeure partie des hommes, c’est-à-dire ce surplus d’humanité qui s’étend aux autres types d’âmes, c’est-à-dire aux autres créatures.

          Mesdames et messieurs,

Il importe de noter que ce qui manque actuellement à notre époque, c’est un supplément d’âme animale et végétale. C’est pourquoi, on se plait à attaquer la nature, à l’agresser, à détruire notre écosystème, à couper les arbres, à repousser les animaux hors de leur espace de prédilection, à les tuer au détriment de l’équilibre de la planète. C’est la raison pour laquelle notre monde est confronté aujourd’hui aux questions écologiques et environnementales comme le réchauffement climatique, les inondations, les irruptions volcaniques, la destruction de la couche d’ozone par l’émission du gaz à effet de serre, les pollutions éolienne et halieutique, etc.

Rappelons que les lois de la nature sont définies par la nature et non par l’homme qui n’est qu’un élément de la nature parmi tant d’autres. Le monde a connu certes un développement techno-scientifique avec Descartes qui rêvait de faire de l’homme le maître et possesseur de la nature. Mais il faut se rendre à l’évidence que la survie de notre planète et des espèces qui y vivent dépend en grande partie de la préservation de la nature, de la faune, de la flore et des océans.

La pandémie du coronavirus en est une parfaite illustration. Cette première véritable catastrophe sanitaire du XXIème siècle vient montrer à l’homme qu’il doit développer une éthique de l’environnement, car même s’il se déclare roi de la terre, il ne la gouverne pas. La survie de la civilisation humaine dépend de la survie de la terre et de la préservation de l’écosystème. C’est en cela que se trouve le mérite de Mame Diarra Bousso Ngom qui a choisi la voie de l’écriture pour dénoncer les agissements de l’homme contre les animaux et la nature et se faire entendre au-delà de nos frontières et par-delà sa vie qui est d’avance limitée.

Dakar, ville cosmopolite, qui connait aujourd’hui toute sorte de pollutions jusqu’aux ongles, doit lire et discuter ce livre qui est, tout de même, bien écrit. L’humanité doit découvrir cette lycéenne qui passe encore inaperçue, non pas parce que son existence n’a pas de sens, mais parce qu’elle mène une vie effacée, parce qu’elle se cache encore dans sa hutte et derrière les arbres de la savane.    

Je voudrai conclure mon propos par cette dernière leçon de tolérance que l’auteure nous a apprise à la conclusion de son roman et qui colle bien à l’actualité sénégalaise à l’ère des réseaux sociaux : « …peu importe l’acte de la personne, nous pouvons voir du bon chez les gens que nous pensons mauvais tout comme nous pouvons voir du mauvais chez les gens que nous pensons bons. Donc le mieux est d’apprendre à connaître avant de juger et ne pas se fier aux apparences, aux commérages et surtout aux faux actes. » (pp. 139 -140)

Mesdames et messieurs, honorables invités,

Je vous remercie de votre aimable attention !


Ngor DIENG

Psychologue conseiller et écrivain

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