DISCOURS DEDICACE: LE SENEGAL ENTRE ILLUSIONS ET ILLUMINATIONS

 

 

 « J’aime le Sénégal jusqu’à la souffrance. Toute ma vie, je serai fidèle à ma vocation de le servir. Je lui dois des services sincères et signalés. »

 

Babacar Diop, Le feu sacré de la liberté : Mon engagement pour la jeunesse africaine, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 17.

 

Nous nous sommes toujours fait une certaine idée du Sénégal, qui est profondément liée à tout ce qu’il a fait pour nous, et à tout ce que nous lui devons en retour. De cette idée, découle une conviction forte : le développement du Sénégal nous occupe, l’avenir de ce beau pays nous préoccupe. Et nous croyons profondément que la construction de cette nation interpelle l’ensemble des populations sénégalaises. Que le devenir de notre pays dépendra de l’engagement de tous les citoyens, dans tous les secteurs d’activités ! Que pour cela, nul n’est indispensable, mais que tout le monde est important !

Il importe, par ailleurs de noter qu’en ce début de millénaire naissant, nous avons encore à bâtir le Sénégal. C’est un pays qui, soixante ans après son indépendance, peine toujours à se développer et à connaître une émergence réelle, quantifiable et proportionnée. Chers compatriotes, ne nous voilons pas la face : si nous voulons que ce pays se mette dans la voie de l’émergence, mettons-nous sérieusement au travail. Chacun d’entre nous doit considérer que le développement de notre pays repose sur ses épaules, que l’avenir de ce pays relève de sa responsabilité.

Au Sénégal, les vrais patriotes ne sont pas souvent ceux qui ont la possibilité de le clamer à la face du monde. Ils ne se contentent pas de le dire devant les caméras. Les vrais patriotes sont aussi ceux qui servent ce pays sans tambour ni trompette, dans la dignité, l’honneur et la droiture, loin des tumultes de la politique politicienne. D’ailleurs, il n’y a pas de politique mauvaise si ce n’est la politique politicienne.

Souvent ceux qui parlent et agissent au nom des populations, ce sont les politiciens de métiers, mais ceux-là ne sont pas toujours au service de la nation ; la plupart du temps, ils sont à la quête du pouvoir pour se servir, le plus souvent au prix de sacrifices horribles pour y accéder et ou le conserver.

Mais attention, il y a beaucoup de choses que nous reprochons à nos gouvernants et que nous faisons nous-mêmes. Combien d’entre nous sont assoiffés de pouvoirs qui, même s’ils ne nourrissent pas le rêve d’un destin national, font un mauvais usage du peu de pouvoir qu’ils détiennent entre leurs mains ? Combien de Sénégalais ne sont pas conscients que là où ils sont, ils doivent servir leurs compatriotes au lieu de négliger leur demande ? Au Sénégal, on a un rapport pathologique avec le pouvoir. Le pouvoir, c’est pour servir et non pour se servir.

Apprenons à ce peuple les vertus du sacrifice, le don de soi pour la patrie, le sens du service public, le service à la communauté, le travail bien fait, le respect d’autrui, le respect des lois établies, le respect des symboles de la Nation. Éradiquons de la société sénégalaise l’indiscipline, la paresse, le manque d’initiative et de courage, les querelles politiciennes, la recherche exclusive de l’intérêt personnel, la mauvaise mentalité envers la chose publique, les attaques inutiles et mettons-nous au travail. 

Ensemble, essayons de prendre notre destin en main, et en cela, n’attendons pas le soutien de l’Occident qui ne fait que veiller à ses propres intérêts. En réalité notre problème, ce n’est pas l’Occident mais notre rapport à lui. Il faut que nous croyions davantage à nos potentialités, que nous réalisions en tant qu’Africains, que nous pouvons nous développer par nous-mêmes et pour nous-mêmes.

Dans l’administration sénégalaise, une bonne partie des agents fonctionnent pour eux-mêmes et pas pour l’intérêt général. Le plus souvent, il n’y a aucune rigueur dans le travail, aucun respect des heures de travail et par conséquent aucune conscience professionnelle, l’État en étant aussi responsable que les agents eux-mêmes. Dans cette administration, le leurre est la chose la plus partagée dans la mesure où chacun se croit plus [mal-in] et pas forcément plus intelligent que les autres. Le Sénégal est un pays où être rigoureux au travail est considéré souvent comme une contrainte, avoir une bonne mentalité envers la chose publique une exception, et faire une bonne gestion des biens publics, une denrée rare. La plupart des agents de l’État n’agiraient pas tel qu’ils le font dans l’administration publique s’ils étaient dans le secteur privé. Avec de telles attitudes, comment voulez-vous que notre pays se développe ?

Le Sénégal semble un pays où tout est permis, un pays d’anarchie et de désordre, un pays où sévit une crise d’autorité aiguë. Chacun est à la recherche de ses propres intérêts. Les gouvernants endorment le peuple, le distraient pour le détourner de l’essentiel, c’est-à-dire d’une citoyenneté active et engagée. Le peuple croupit dans la paresse et dans le manque d’initiative, attendant tout de l’État et du gouvernement. En réalité, un peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite et les dirigeants sont toujours à l’image de leur peuple.  Alors, si nous voulons que nos dirigeants changent, commençons nous-mêmes par changer. C’est aussi simple que ça !

« L’alternance change le pouvoir mais ne change pas la réalité du pouvoir » disait l’ancien président français François Holland. En réalité, le changement de système auquel nous aspirons n’adviendra pas à l’issue d’une élection. Cette rupture ne peut provenir que d’une révolution totale qui va secouer profondément la société sénégalaise. Il faut que nous acceptions de payer le prix du changement, de la révolution et de la libération voulus et chantés par tant de générations.

Depuis des décennies, notre système éducatif vit des crises sans précédent. Mais au lieu de s’asseoir ensemble, autour d’une table, pour trouver des solutions durables, le gouvernement, les syndicats d’enseignants et même les parents d’élèves se rejettent la balle, chacun voulant noyer son prochain et le mettre en mal avec le peuple. Or, il importe de souligner qu’il ne peut y avoir de développement sans un système éducatif performant dans un climat social apaisé. Mais malheureusement, nous sommes dans un pays où tout est politisé y compris certains secteurs clés comme la santé et l’éducation. 

Le développement dont nous rêvons ne proviendra pas d’un coup d’éclat. Il ne proviendra pas non plus des milliards venant de l’étranger. Le développement auquel nous aspirons sera d’abord une affaire de mentalité, un changement individuel et collectif de comportements, une prise de conscience citoyenne, un patriotisme avéré et le fruit d’un travail sérieux et inscrit dans la durée. C’est cette voie-là qui nous permettra de voir le bout du tunnel, c’est-à-dire la lumière de l’émergence.

Malgré les difficultés que nous avons soulignées au cours de nos réflexions, une lueur d’espoir pointe toujours à l’horizon. Le Sénégal est et demeure un beau pays, avec un beau peuple qui ne manque pas de grandes figures religieuse, politique et intellectuelle. Celles-ci constituent une source inépuisable d’inspiration et d’action pour un peuple en difficultés et une jeunesse en manque de repères. Il suffit de les identifier et de les offrir en exemple à l’école, dans les médias, dans la société et au sein même de la cellule familiale. Un peuple ne peut pas aller de l’avant sans développer une relation pédagogique avec son histoire, avec ses grands hommes. Nous devons apprendre à valoriser nos figures historiques, à intégrer leur histoire dans les programmes scolaires et universitaires et non à les laisser tomber dans l’oubli.

L’histoire ancienne et l’histoire moderne et contemporaine du Sénégal regorgent de figures emblématiques qui prouvent que notre peuple a les ressources humaines nécessaires qu’il lui faut pour aller de l’avant. Car c’est l’homme qui est au début, avant le début, à la fin, après la fin de tout développement.

Il suffit d’avoir la volonté politique et d’accepter le changement, la rupture que tout essor demande pour se réaliser. Le développement étant une affaire de mentalité, implique un changement de comportement individuel et collectif, un travail sérieux et inscrit dans la durée, un don de soi pour la patrie aussi bien des dirigeants que des populations. Et c’est à ce prix, et seulement à ce prix que surviendra l’émergence tant chantée depuis l’avènement de la deuxième alternance au Sénégal.

Si nous sommes prêts à faire ces sacrifices, nous pouvons bel et bien continuer à rêver d’une émergence dans le moyen et le long terme. A défaut de cette dose d’utopie, nous allons toujours produire des slogans creux et connaître des régimes à la fin desquels, il y aura quelques réalisations et pas forcément le changement rêvé. C’est cela, en réalité, le sort du Sénégal depuis son accession à l’indépendance.

Je voudrai dire, à l’endroit de mes lecteurs, que je suis le seul responsable scientifique de toutes les erreurs qui se trouvent dans le livre et de ce fait, je sollicite leur indulgence.

Je ne saurai terminer sans remercier tout le monde. Toutes les personnes qui ont fait le déplacement pour assister à cette présentation cet après-midi, toutes les hautes personnalités qui sont dans la salle. J’adresse aussi mes vifs remerciements à toute l’équipe de l’Harmattan à la tête de laquelle se trouve Dr Abdoulaye Diallo.

 

MERCI DE VOTRE AIMABLE ATTENTION !

 

Dédicace du livre Le Sénégal entre illusions et illuminations à la Salle Amady Aly Dieng de l’Harmattan

le vendredi, 04 juin 2021 à 16 heures

Ngor DIENG

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