NOTE DE LECTURE: LA HAINE DE L’OCCIDENT de Jean ZIEGLER






           Citoyen de Genève, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, Jean Ziegler est aujourd’hui vice-président du Comité consultatif du conseil des droits de l’homme de l’ONU. Professeur émérite de sociologie à l’université de Genève, il est l’auteur de plusieurs livres explosifs sur son pays, mais a consacré l’essentiel de son œuvre à dénoncer les mécanismes d’assujettissement des peuples du Sud à l’ordre cannibale du monde. La Haine de l’Occident a le prix littéraire des droits de l’homme.
Dans cet ouvrage, l’auteur met l’accent sur la haine de l’occident, comme son titre l’indique, des peuples du Sud. De l’esclavage au néocolonialisme, en passant par la colonisation, de l’Amérique latine à l’Océanie en passant par l’Afrique, l’Occident a soumis aux peuples du Sud une domination qui les prive de toute humanité, l’humanité étant la possibilité d’agir et de penser librement par et pour soi-même.
L’Occident a longtemps dominé les peuples du Sud. Ceux-ci sont profondément marqués par cette oppression et cette « déshumanisation » dont ils sont victimes depuis des siècles. L’esclavage a été une entreprise de déportation massive des bras valides de l’Afrique. La colonisation a balayé des richesses incommensurables du Continent noir, de l’Amérique latine, des Caraïbes, de l’Asie du Sud et de l’Australie. D’ailleurs Ziegler cite Léon Bloy qui reconnaît que : « L’histoire de nos colonies, surtout en Extrême Orient et en Afrique, n’est que douleur, férocité sans mesure et indicible turpitude »
L’Occident, dans sa logique de domination, déguise pourtant son projet en « dé-civilisation-civilisation ». Mais l’auteur reconnaît que « Toujours et partout, la destruction de la culture, l’identité singulière, de la mémoire et des liens affectifs du dominé aura obsédé les Occidentaux »
Les peuples du Sud semblent être gagnés aujourd’hui par une certaine prise de conscience. Ils se révoltent et/ou semblent dire non à cette exploitation sauvage, à cette déshumanisation exécrable de l’Occident. Ils ont une mémoire blessée, une vérité historique à rétablir. Pour Jean Ziegler, « Aujourd’hui, les mémoires des peuples du Sud sont en guerre ouverte contre l’Occident. Les mémoires des ressortissants d’Amérique latine et des Caraïbes, d’Afrique noire, d’Arabie et d’Asie sont des mémoires blessées ».
Dans son livre, Ziegler s’est beaucoup appesanti sur deux exemples : le Nigeria et la Bolivie. Le Nigeria pour mettre en exergue toute l’exploitation dont ce géant d’Afrique est victime. En effet, huitième producteur mondial de pétrole, le Nigeria est néanmoins l’un des pays les plus pauvres de la planète. Le Nigeria est cruellement manipulé par les grandes puissances étrangères à travers leurs sociétés d’exploitation pétrolière. C’est un pays où les coups d’État sont monnaie courante. Divisé pendant la guerre du Biafra, le pays le plus peuplé d’Afrique ne parvient pas toujours à sortir de la misère malgré ses importantes ressources pétrolières. Des mascarades d’élections s’y tiennent dit-on pour élire un président. Or on sait que celui-ci est toujours choisi à l’avance par ce que l’auteur appelle « les parrains d’Abuja ».
La Bolivie est citée par Ziegler en guise d’exemple de révolution contre l’ordre de domination occidentale. En effet l’élection d’Evo Morales consacre la victoire des peuples indigènes d’Amérique sur l’Occident dominateur. Ces peuples indiens d’Amérique ont longtemps souffert de la domination et de l’exploitation sauvage des européens. L’arrivée d’Evo Morales à la présidence de la république bolivienne sera une occasion de réappropriation des richesses pour faire retrouver la fierté nationale aux peuples indigènes. En Bolivie, l’État colonial sera remplacé par l’État nationaliste.
Tout cela pour dire enfin que l’heure des opprimés est venue. Ziegler : « Si nous avons tant insisté, tout au long de ces pages, sur la nécessaire reconstitution mémorielle, c’est parce que c’est dans leurs cultures autochtones, dans leurs identités collectives, leurs traditions ancestrales que les peuples du Sud puiseront le courage d’être libres ».
Voilà un ouvrage plein d’informations sur toute l’histoire de l’exploitation et de l’assujettissement des peuples du Sud. Et voilà un Occidental qui prend effet et cause pour les peuples du Sud. L’idéal de justice et d’équité est universel. En plus, nous pensons avec Emmanuel Kant que : « L’inhumanité infligée à un autre détruit l’humanité en moi ».  
C’est un livre à lire, absolument surtout par les altermondialistes, les partisans de la réparation mais aussi de la libération des peuples du Sud, de l’Afrique surtout.


Ngor Dieng
Psychologue conseiller/Philosophe
ngordieng@gmail.com

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